LE PAPE, CHEF DE LA RELIGION (PAÏENNE) ROMAINE ?

L’Evêque de Rome est communément appelé « Pape » qui vient du latin papa et qui signifie père. Mais il est connu sous une autre appellation : Souverain Pontife, en latin « Summus Pontifex » ou « Pontifex Maximus ».

Pontifex (Pontife en français) désignait, sous la Rome Antique, ceux qui étaient en charge du respect des pratiques religieuses. Il s’agissait donc des prêtres de la religion romaine, une religion polythéiste dont les dieux principaux sont : Jupiter (Zeus pour les grecs), Junon (Héra pour les grecs), Minerve (Athéna pour les grecs), Diane (Artémis pour les grecs), Venus (Aphrodite pour les grecs), Mercure (Hermès pour les grecs) etc.

Le collège pontifical formait le collège de pontifes le plus prestigieux qui était en charge de conseiller le Sénat Romain. Le collège pontifical était tellement important que le grand prêtre à la tête de ce collège, le Pontifex Maximus, avait pris place dans le Palais où siégeaient les rois de Rome (avant l’Empire et la République), la Regia.

Le Pontifex Maximus disposait donc d’une place prépondérante sous la Rome Antique. Pour cette raison, Jules César avait tout fait pour être élu Pontifex Maximus en 63 avant JC, et il le restera jusqu’à sa mort (par assassinat) en -44. La charge de Pontifex Maximus sera reprise par le premier Empereur Romain, Octave Auguste, et fera ensuite partie des différentes charges que cumulaient les empereurs romains pour assurer leur toute puissance civile, militaire et même religieuse.

Octave Auguste en Pontifex Maximus

Lorsque l’Empire Romain bascule vers la chrétienté avec la conversion de l’Empereur Constantin Ier au début du IVe siècle,  le Pontifex Maximus ne disparait pourtant pas et l’Empereur conserve cette charge : un empereur chrétien chef de la religion païenne romaine – cette confusion crée un précédent qui sera reprise plus tard par les Papes.

Les premiers successeurs de Constantin Ier conserveront le titre jusqu’à la fin du IVe siècle. Par l’édit de 380 signé par les empereurs Gratien (pour l’Empire Romain d’Occident) et Théodose Ier (pour l’Empire Romain d’Orient), la religion chrétienne devient la seule religion officielle de l’Etat et l’Empereur Gratien abandonne finalement le titre de Pontifex Maximus.

Pendant 300 ans le titre reste aux oubliettes. C’est un évêque de Rome, le Pape Théodore Ier, qui le fait ressurgir.

L’organisation de l’Eglise Chrétienne n’était initialement pas centralisée, on comptait d’abord 3, puis 4 et enfin 5 « patriarcats » ayant l’autorité religieuse sur un territoire défini : Rome, Constantinople, Alexandrie (Egypte), Antioche (Sud-Est de la Turquie actuelle), et Jérusalem. C'est la “pentarchie”.

Les conquêtes musulmanes vont avoir pour effet de supprimer les patriarcats d’Alexandrie, de Jérusalem et d’Antioche au VIIe siècle. Il ne reste alors plus que deux « patriarcats » : Rome et Constantinople.

Une rivalité commence alors entre l’Evêque de Rome et le Patriarche de Constantinople, qui aboutira quelques siècles plus tard à un schisme entre les deux Eglises, catholique à l’Ouest et orthodoxe à l’Est.

Une querelle théologique éclate au début du VIIe siècle entre le pape Théodore Ier du côté de Rome, et des Patriarches Pyrrhus puis Paul II du côté de Constantinople. Pour affirmer la suprématie du patriarcat de Rome sur l’Eglise Chrétienne, et sur le patriarcat de Constantinople, le Pape se recouvre d’un titre latin, celui de chef de tous les pontifes (allias les prêtres) : Pontifex Maximus, ou Summus Pontifex. Tous ses successeurs le conserveront, jusqu’à nos jours.

Ces titres figurent dans le Lumen Gentium, la constitution dogmatique sur l’Eglise adoptée en 1964, qui qualifie même Jesus-Christ de Pontifex :

« 10. Christus Dominus, Pontifex ex hominibus assumptus » (« Le Christ Seigneur, grand prêtre d’entre les hommes ») ; 

« 21. In Episcopis igitur, quibus presbyteri assistunt, adest in medio credentium Dominus Iesus Christus, Pontifex Summus. Sedens enim ad dexteram Dei Patris, non deest a suorum congregatione pontificum » (« Ainsi donc en la personne des évêques assistés des prêtres, c’est le Seigneur Jésus Christ, Pontife suprême, qui est présent au milieu des croyants »).

Et le Pape :

« 14. (…) Illi plene Ecclesiae societati incorporantur, qui Spiritum Christi habentes, integram eius ordinationem omniaque media salutis in ea instituta accipiunt, et in eiusdem compage visibili cum Christo, eam per Summum Pontificem atque Episcopos regente » (« Sont incorporés pleinement à la société qu’est l’Église ceux qui, ayant l’Esprit du Christ, acceptent intégralement son organisation et les moyens de salut qui lui ont été donnés, et qui, en outre, grâce aux liens constitués par la profession de foi, les sacrements, le gouvernement ecclésiastique et la communion, sont unis, dans l’ensemble visible de l’Église, avec le Christ qui la dirige par le Souverain Pontife et les évêques ») ;

« 28. (…) Quia genus humanum hodie magis magisque in unitatem civilem, oeconomicam et socialem coalescit, eo magis oportet ut Sacerdotes, coniuncta cura et ope sub ductu Episcoporum et Summi Pontificis, omnem rationem dispersionis elidant, ut in unitatem familiae Dei totum genus humanum adducatur. » (« Et comme le genre humain, aujourd’hui de plus en plus, tend à l’unité civile, économique et sociale, les prêtres ont le devoir d’autant plus pressant d’unir leurs préoccupations et leurs moyens sous la conduite des évêques et du Souverain Pontife, pour écarter toute forme de division et amener le genre humain tout entier à l’unité de la famille de Dieu. ») ;

4. Summus Pontifex, utpote Pastor Supremus Ecclesiae, suam potestatem omni tempore ad placitum exercere potest, sicut ab ipso suo munere requiritur.” (“4. En tant que Pasteur suprême de l’Église, le Souverain Pontife peut exercer à son gré son pouvoir en tout temps, comme cela est requis par sa charge même.”).

Le Pape, qui n’est pas le chef de l’Eglise Catholique comme on le croit souvent (c’est Jésus-Christ qui la dirige par le biais du Souverain Pontife et des évêques (voir § 14 du Lumen Gentium ci-dessus)), porte alors un titre religieux païen, que portaient les Empereurs Romains. On retrouve le titre de Summus Pontifex également dans les traités internationaux (par exemple celui du Concordat de 1801: https://basedoc.diplomatie.gouv.fr/exl-php/util/documents/accede_document.php?1716892945375).

Sur les pièces de monnaie émises dans les Etats Pontificaux on peut voir le nom du Pape suivi de Pontifex Maximus ou de son abréviation “Pont. Max.”.  

Pièce de 100 lires émise en 1866 dans les Etats Pontificaux

Médaille souvenir à l’effigie du Pape François

Le terme Pontifex figure partout autour du Pape, sans que l’on s’en rende compte :

·       Le « mandat » du Pape s’appelle un « Pontificat » ;

·       Les Etats de l’Eglise s’appelaient les « Etats Pontificaux »

·    On parle de « noblesse pontificale », de « puissance pontificale », d’« infaillibilité pontificale », d’« armoiries pontificales » etc.

Le Pape est-il pour autant chef de la religion romaine ? Non, cette religion n’existe plus, mais il est intéressant de voir que pour affirmer sa suprématie, le Pape a eu recours à un titre autrefois porté par les Empereurs Romains, fût-il païen, et que ce titre est toujours employé aujourd’hui.

Tristan CHOPPIN HAUDRY de JANVRY

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