HENRI VIII, ROI D’ANGLETERRE ET CHEF RELIGIEUX

Il est admis que le roi (ou la reine) du Royaume-Uni ne dispose que de pouvoirs politiques très faibles et qu’il se limite essentiellement, à l’instar des autres monarques européens, à un rôle symbolique et de représentation. Mais contrairement à ses homologues, le roi du Royaume-Uni revêt un manteau peu connu, celui de chef religieux en qualité de « Gouverneur Suprême de l’Eglise d’Angleterre ».

Il s’agit d’une exception Anglaise, parmi tant d’autres, que celle d’être dotée d’une Eglise propre, l’Eglise d’Angleterre, et dont le chef n’est autre que le monarque.

Pour comprendre cette situation, il faut remonter près de 500 ans en arrière lorsqu’un roi anglais, Henri VIII, célèbre pour avoir eu six épouses, décide de faire annuler son premier mariage.

Au début du XVIe siècle, l'Angleterre est catholique. Le fils aîné d’Henri VII meurt en laissant pour veuve Catherine d’Aragon. Henri VII souhaite qu’elle se remarie avec son second fils et désormais héritier du trône, le futur Henri VIII. Mais aux yeux de l’Eglise cela revient à ce qu’Henri VIII épouse… sa soeur. Une dispense papale est donc nécessaire et le Pape accepte de la délivrer. Devenu roi Henri VIII s’oppose farouchement aux protestants ce qui lui vaut d’être récompensé par le Pape du titre de Fidei Defensor (Défenseur de la Foi). Les rapports entre la monarchie anglaise et l’Eglise Catholique Romaine sont donc au beau fixe.

Mais le climat se gâte lorsqu’Henri VIII se lasse de Catherine d’Aragon, incapable de lui donner un héritier mâle. Henri VIII commence à envisager de rompre son mariage, et ce qui n’était qu’une idée devient un objectif lorsqu’il s’éprend d’une autre, l’intelligente et ambitieuse Ann Boleyn. Cette dernière refuse de devenir la maîtresse d’Henri VIII, ce qui n’a d’autre effet que d’attiser encore plus son intérêt pour la jeune fille. Il la demande en mariage, elle accepte. Mais Ann est maligne, elle refuse de partager sa couche tant qu’ils ne seront pas effectivement mariés.

Henri VIII n’a pas le choix, son mariage avec Catherine d’Aragon doit être annulé.  Une demande est faite au Pape, sur le motif qu’il avait épousé « sa sœur ». Seul bémôle, une dispense pour ce mariage avait été délivrée précisément pour surmonter ce problème. Pour le Pape Clément VII, il est hors de question de revenir sur la dispense donnée par son prédécesseur.

Henri VIII décide de passer en force : il demande au Pape de nominer en 1532 Thomas Cranmer comme Archevêque de Cantorbéry, lequel est favorable à l’annulation du mariage. Le Pape accepte en espérant apaiser les tensions mais il tombe en réalité dans le piège préparé par Henri VIII.  Henri VIII épouse secrètement Ann Boleyn. Elle tombe enceinte (ce sera une fille). Une deuxième cérémonie est organisée à Londres le 25 janvier 1533. Thomas Cranmer annule – sans l’accord du Pape – le mariage d’Henri VIII avec Catherine d’Aragon et valide le mariage avec Ann Boleyn. C’en est trop pour le Pape qui excommunie Henri VIII et Thomas Cranmer.

En réplique, Henri VIII décide de se faire proclamer « Chef Suprême de l’Eglise d’Angleterre » par l’Acte de Suprématie de 1534. Le Pape perd alors toute autorité sur le clergé en Angleterre, ainsi que sur toutes les questions religieuses. Tous les sujets anglais doivent prêter serment de reconnaître leur Roi comme Chef Suprême de l’Eglise d’Angleterre. Quiconque désobéit ou rompt son serment est puni par la mort. Henri VIII a désormais les mains libres, il fait comme bon lui semble : toutes les paroisses doivent se doter d’une Bible en anglais – quelle hérésie pour le Pape ! Pis, les monastères sont supprimés et tous leurs biens confisqués, il en tire un fabuleux trésor.

Portait le plus célèbe d’Henri VIII, peint par Hans Holbein le Jeune en 1536-1537

Tout ceci pour Ann Boleyn, qui au final ne fera pas long feu dans le cœur d’Henri VIII. Si elle a donné naissance à une fille, Elisabeth, la belle Ann s’avère incapable de lui donner un fils. En 1536, trois ans seulement après leur mariage, Henri VIIIla condamne à mort pour adultère (ce qui est difficilement prouvé). Henri VIII lui a tout de même fait une faveur en permettant qu’elle soit décapitée à la mode française, c’est-à-dire à l’épée, plus noble que la hache... Henri VIII épouse ensuite Jane Seymour, qui lui donne un fils mais elle meurt des suites de l’accouchement. Il se remarie avec Anne de Clèves, mais il annule cette union rapidement – ce qui lui est désormais facile en qualité de Chef Suprême de l’Eglise. Sa cinquième épouse, Catherine Howard, est une jeune fille de 30 ans de moins, qu’il fera décapiter elle aussi pour adultère. Cette fois-ci l’adultère ne faisant aucun doute, elle connaîtra la hache. Sa sixième épouse, Catherine Parr, survivra à Henri VIII qui meurt quatre ans après le mariage.

Henri VIII aura cumulé six femmes, dont trois « Catherine », répudié deux épouses et décapité deux autres. Il aura également cumulé tous les pouvoirs possibles : le politique et le religieux.

Marie, la première fille d’Henri VIII, née de son union avec Catherine d’Aragon, devient reine d’Angleterre à la mort de son frère Edouard VI (né de l’union avec Jane Seymour). Pour venger sa mère, elle entend restaurer l’autorité du Pape sur l’Eglise d’Angleterre et abroge l’Acte de Suprématie. Elle fait brûler vifs des centaines de protestants ce qui lui vaut de gagner le surnom de « Bloody Mary » (qui donnera son nom au fameux cocktail). La seconde fille d’Henri VIII, née de son union avec Ann Boleyn, succédera à Marie sous le nom d’Elisabeth Ière. En souvenir de ce qu’a fait son père pour valider son union avec sa mère, elle fait adopter un nouvel Acte de Suprématie en 1559 qui confère au monarque le titre de « Gouverneur Suprême de l’Eglise d’Angleterre ». Cet acte est toujours en vigueur aujourd’hui.

De fait, Henri VIII a créé une nouvelle religion, une nouvelle branche de la Chrétienté qui est un mélange entre le Catholicisme et le Protestantisme. Cette religion sera plus tard appelée l’Anglicanisme, qui regroupe aujourd’hui environ 85 millions de membres sur les cinq continents (l’Eglise d’Angleterre compte environ 23 millions de fidèles).

Cette fonction de chef religieux permet au roi d’Angleterre de nommer les archevêques et évêques. L’Anglicanisme n’étant pas soumis à l’autorité du Pape, la religion dispose de sa propre doctrine, il est par exemple permis aux femmes de devenir prêtres.

En théorie comme en pratique, l’Eglise d’Angleterre, avec le Roi à sa tête, est libre de faire ce que bon lui semble, à l’image du caractère de son créateur, le fougueux Henri VIII.

Tristan CHOPPIN HAUDRY de JANVRY

Précédent
Précédent

ALLEMAGNE : L’UNIFICATION PAR LA GUERRE

Suivant
Suivant

CUBA 1962 : LE MONDE RETIENT SON SOUFFLE